De nombreux pays africains se tournent désormais vers l’or pour réduire leur dépendance au dollar américain et stabiliser leurs économies. Cette tendance est alimentée par la volatilité des marchés financiers internationaux, les préoccupations liées à l’utilisation des réserves de devises comme armes de politique étrangère, et les tensions géopolitiques croissantes. L’Ouganda est l’un des derniers pays à adopter cette stratégie. Il rejoint d’autres nations africaines comme le Nigeria, le Ghana et le Zimbabwe dans cette quête de stabilité économique.
Les motivations derrière la ruée vers l’or
Les pays africains, confrontés à une instabilité économique et à des fluctuations monétaires, voient l’or comme un moyen de diversifier leurs réserves internationales et de stabiliser leurs économies. Par exemple, l’Ouganda a récemment annoncé un programme d’achat d’or national pour acquérir de l’or directement auprès des mineurs artisanaux locaux. Selon la Banque d’Ouganda, « le programme d’achat d’or contribuera à accumuler des réserves de devises étrangères et à faire face aux risques associés sur les marchés financiers internationaux ».
Le Dr Adam Mugume, directeur de la recherche à la Banque d’Ouganda, a expliqué que cette initiative de diversification des réserves pour inclure l’or monétaire est importante pour maintenir la stabilité économique. En effet, l’Ouganda a du mal à maintenir ses réserves de change en raison de l’augmentation des paiements de la dette extérieure et de la dévaluation de sa monnaie. En avril, les réserves de change ougandaises s’élevaient à environ 3,5 milliards de dollars, couvrant seulement 3,2 mois d’importations, contre 3,4 mois l’année précédente.
En outre, les taux d’intérêt plus élevés imposés par les économies développées créent des restrictions supplémentaires sur les flux de capitaux vers les pays émergents. Cette situation pousse les nations africaines à chercher des moyens alternatifs pour sécuriser leurs économies. Aussi, l’achat d’or auprès des producteurs locaux soutient les moyens de subsistance des mineurs artisanaux et a des retombées positives sur d’autres secteurs de l’économie.
Avant l’Ouganda, le Nigeria a aussi lancé un programme d’achat d’or national pour renforcer ses réserves. La Banque centrale nigériane prévoit également de rapatrier ses réserves d’or existantes pour atténuer les risques liés à l’affaiblissement de l’économie américaine. « Des indicateurs économiques tels que la hausse de l’inflation, l’escalade des niveaux d’endettement et les tensions géopolitiques ont suscité des inquiétudes parmi les décideurs politiques nigérians quant à la stabilité du système financier américain », a indiqué la Banque nigériane.
Au Ghana, un candidat à la présidence a récemment exprimé son intention de soutenir la monnaie nationale avec de l’or s’il est élu. « En fin de compte, mon objectif est que nous soutenions notre monnaie avec de l’or et c’est là que je veux que nous allions, en soutenant de plus en plus notre monnaie avec de l’or », a déclaré le Dr Mahamadu Bawumia. Le Ghana, désormais le plus grand producteur d’or d’Afrique, exige que les grands mineurs d’or vendent 20 % de leur or raffiné à la banque centrale.
Le Zimbabwe, quant à lui, a créé une monnaie adossée à l’or pour renforcer sa stabilité économique. Le ZiG (Zimbabwe gold ; ZiG ; ZWG) a remplacé le dollar zimbabwéen (RTGS ; 1980-2008 : ZWL).
Les implications géopolitiques et économiques
La détention de réserves en dollars présente des risques géopolitiques importants. De nombreux pays craignent que les États-Unis et d’autres puissances occidentales utilisent les réserves d’or et de devises comme outils de politique étrangère. Cette inquiétude a été exacerbée par la décision des États-Unis de geler près de la moitié des 650 milliards de dollars de réserves d’or et de devises de la Russie après son invasion de l’Ukraine.
La situation budgétaire des États-Unis, marquée par une dette publique en augmentation rapide, ajoute aux préoccupations des pays africains. Conscients de ces risques, ils cherchent à diversifier leurs réserves et à minimiser leur dépendance au dollar. L’or, en tant qu’actif sans risque de contrepartie et reconnu mondialement comme monnaie, offre une solution idéale.
Contrairement aux monnaies fiduciaires, l’or a maintenu sa valeur pendant plus de 5 000 ans. Les pays africains voient en l’or un moyen de se protéger contre les turbulences économiques et les incertitudes géopolitiques. L’adossement à l’or offre une stabilité monétaire et une protection contre l’inflation, tout en réduisant la vulnérabilité aux politiques économiques des puissances occidentales. Cependant, cette stratégie comporte également des défis. La gestion et la sécurisation des réserves d’or nécessitent des infrastructures robustes et une gouvernance transparente. De plus, l’or, bien que stable, peut être sujet à des fluctuations de prix sur les marchés mondiaux, ce qui nécessite une gestion prudente des réserves. Les pays africains doivent également s’assurer que l’augmentation des réserves d’or ne se fasse pas au détriment d’autres secteurs économiques.