Le 17 mai 2025, la scène musicale française et camerounaise perdait Werenoi, l’une de ses voix les plus singulières. Le décès soudain du rappeur Werenoi, à l’âge de 31 ans, a bouleversé fans, artistes et professionnels du milieu. En quelques années seulement, celui qui se faisait discret dans les médias a conquis le cœur du public à travers des textes profonds, une voix reconnaissable entre mille et une authenticité rare.
Des débuts à l’écart des projecteurs
Jérémy Bana Owona, d’origine camerounaise, Werenoi aura marqué une génération par une œuvre sincère, ambitieuse, mais aussi par un parcours humain hors du commun. Ce portrait revient sur l’ascension fulgurante d’un artiste devenu une légende en à peine quatre ans de carrière active.
Né le 30 janvier 1994 à Melun, en Seine-et-Marne, Werenoi grandit à Montreuil, une commune populaire de la région parisienne qui a nourri l’identité de nombreux artistes urbains. Elevé dans un environnement où la débrouille est une seconde nature, il construit peu à peu une sensibilité artistique, influencée autant par le rap français que par les sonorités africaines de son héritage familial.
Longtemps resté en retrait, Werenoi ne fait pas partie des artistes propulsés par la lumière dès leurs premiers titres. C’est en 2021 qu’il fait une entrée remarquée dans l’industrie avec des morceaux comme Guadalajara, qui révèlent un univers à part : sombre, mélodique, brut, mais toujours personnel. Son approche artistique tranche avec les standards du moment. Il n’affiche ni bling, ni clash, mais une parole pesée, une ambiance introspective, et un attachement profond à ses racines.
Une voix, un style, un impact
Werenoi n’était pas qu’un rappeur de plus. Sa voix grave, sa diction lente, son écriture imagée et son sens de la mélodie faisaient de lui un artiste immédiatement identifiable. Il mêlait avec habileté rap et chant, naviguant entre confession et storytelling, entre douleur personnelle et observations sociales.
Son style s’est rapidement imposé dans le paysage musical français, attirant l’attention d’un public varié, touché par la justesse de ses propos. Qu’il parle de loyauté, de trahison, de pauvreté ou d’ambition, il le faisait sans artifice. Son morceau La Rue en est un exemple : loin des clichés, il y raconte les paradoxes de son environnement, entre espoir et fatalité.
Werenoi, leader en vente d’albums
L’année 2022 marque un premier tournant. Avec son EP « Telegram », Werenoi confirme son talent et son identité. Mais c’est l’année 2023 qui va faire de lui une star. Son premier album studio, « Carré », est un succès monumental. Porté par des collaborations avec des poids lourds tels que Ninho, Lacrim, ou Tiakola, l’album grimpe en flèche dans les classements. Il devient l’artiste le plus vendu de l’année en France, dépassant des figures comme Jul ou Booba.
En 2024, il enfonce le clou avec son deuxième album, « Pyramide », suivi quelques mois plus tard par « Pyramide 2 », qui confirme son statut de poids lourd du rap français. Son public s’élargit, son influence devient indiscutable. Sans publicité tapageuse, sans sorties médiatiques orchestrées, Werenoi règne sur les plateformes de streaming.
“Diamant Noir” : l’ultime chef-d’œuvre
En avril 2025, Werenoi sort « Diamant Noir« , un album à la fois personnel et ambitieux. Ce troisième opus rassemble des collaborations prestigieuses avec Damso, Gunna, Ninho, et Lil Tjay. L’album est salué par la critique pour sa cohérence artistique, sa profondeur et sa capacité à toucher un public au-delà du rap.
Il aborde dans cet album des thèmes plus sombres : solitude, mémoire, spiritualité. Diamant Noir sonne comme une maturité artistique et émotionnelle. Certains titres comme Noir Lumière ou Invisible résonnent aujourd’hui comme des adieux prémonitoires. À peine un mois après sa sortie, alors que Werenoi devait partir en tournée et se produire à Lyon, le destin en décide autrement. Le 17 mai 2025, il décède à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Une disparition brutale et incomprise
Les circonstances de la mort de Werenoi restent floues au départ. Hospitalisé en urgence le 16 mai, il est déclaré décédé le lendemain, victime d’une insuffisance cardiaque liée à une maladie chronique : le diabète. Selon le magazine Public, une crise d’hyperglycémie aurait déclenché une série de complications fatales, parmi lesquelles une acidocétose et une hyperkaliémie, menant à une défaillance multiviscérale.
Le choc est immense. Fans, artistes, journalistes, tous saluent la mémoire de cet artiste discret, talentueux et respecté. Les hommages affluent sur les réseaux sociaux. Des noms comme Aya Nakamura, Gims, Kalash Criminel, Soolking ou encore Jul rendent hommage à un “frère de son”.
Une légende née dans le silence
L’un des aspects les plus marquants de la carrière de Werenoi, c’est sa discrétion médiatique. Il accordait très peu d’interviews, n’apparaissait que rarement dans les émissions ou les talk-shows. Il n’avait pas besoin de buzz : sa musique suffisait à faire le lien. Cette posture a contribué à forger une aura unique, à mi-chemin entre mystère et sincérité.
Dans un paysage où les artistes se battent pour l’attention, Werenoi avait choisi la distance. Et c’est justement ce silence, combiné à une œuvre puissante, qui a rendu sa voix d’autant plus percutante. Il était l’antithèse du rappeur commercial, mais il vendait plus que tous les autres.
Héritage et postérité
Avec seulement trois albums, Werenoi a marqué l’histoire du rap français. Il a su imposer une nouvelle manière de raconter, une musicalité atypique, une émotion brute. Des milliers de jeunes issus des quartiers ou des périphéries urbaines se reconnaissaient en lui.
Aujourd’hui, son héritage est intact : ses albums continuent de tourner sur toutes les plateformes, ses textes sont analysés, ses phrases reprises, ses clips revisités. Des projets posthumes pourraient voir le jour, à l’image d’un coffret collector ou d’un documentaire en préparation par sa maison de disque. Mais au-delà du commerce, il restera ce qu’il a été : un artiste sincère, un homme de peu de mots, et un témoin lucide de son époque.
Werenoi n’aura vécu que 31 ans, mais il aura dit l’essentiel. Son œuvre est une leçon de résilience, de créativité, et d’intégrité artistique. Il n’a pas cherché la lumière, mais il l’a attirée par la force de son authenticité. De Montreuil à toute la France, il aura élevé la voix de ceux qu’on n’entend pas. Et si le rap a perdu l’un de ses plus beaux diamants, il reste « Diamant Noir », dernier éclat d’un artiste inoubliable.
