Des voix planétaires comme celles de Beyoncé, R. Kelly ou même du pape Léon XIV soudainement mobilisées pour louer Ibrahim Traoré, chef de la junte burkinabè ? Derrière ces vidéos virales générées par intelligence artificielle, une stratégie de désinformation bien huilée semble se déployer, dans un pays secoué par les violences djihadistes et la répression des voix critiques.
La machine de propagande numérique en marche
Depuis le mois de mai 2025, les plateformes comme YouTube regorgent de vidéos troublantes : Beyoncé chantant les louanges du capitaine Ibrahim Traoré, Justin Bieber demandant à Dieu de le protéger, ou encore un faux discours du pape vantant ses mérites. Derrière ces contenus manifestement falsifiés, une stratégie de communication savamment orchestrée semble émerger.
Ces clips, pour la plupart générés par intelligence artificielle, s’inscrivent dans un climat où les autorités burkinabè cherchent à consolider l’image de leur chef d’État, malgré un contexte sécuritaire et politique extrêmement tendu. La multiplication de ces vidéos, publiées en rafale par des chaînes YouTube nouvellement créées, trahit une opération coordonnée. Même si aucun lien officiel ne peut être prouvé avec le régime de Ouagadougou, celui-ci bénéficie clairement de cette mise en scène numérique.
Un coup de projecteur international… mais artificiel
L’objectif de cette campagne semble clair : donner à Ibrahim Traoré une stature de leader global, panafricain, et admiré au-delà des frontières du Burkina Faso. Les vidéos, relayées massivement par des influenceurs africains anglophones, touchent particulièrement des pays comme le Nigéria, le Kenya ou encore l’Afrique du Sud. Loin de la réalité sur le terrain, elles construisent un récit flatteur qui séduit les jeunesses connectées, sensibles aux discours anti-impérialistes.
Mais cette popularité numérique contraste avec les tensions internes que connaît le pays. Depuis sa prise de pouvoir par coup d’État en 2022, Ibrahim Traoré peine à contenir l’insurrection djihadiste qui ravage le Burkina Faso. Les arrestations d’opposants, les disparitions forcées et la militarisation croissante du régime nuisent à son image locale. Tandis qu’internet le glorifie, la rue burkinabè gronde en silence.
Si la technologie peut aujourd’hui faire “chanter” Beyoncé pour Ibrahim Traoré, elle ne saurait masquer indéfiniment les réalités du terrain. Cette offensive numérique, à coup de deepfakes et de récits fantasmés, révèle surtout une volonté de contrôle de l’image. Mais à l’ère de la surinformation, la vérité finit toujours par émerger. Et ce ne sont ni Rihanna ni le pape fictif qui pourront la retenir.
